Plantes médicinales et réglementations : Un exemple de complexité
Selon la définition, une plante médicinale est une drogue végétale inscrite à la Pharmacopée. Les drogues végétales sont des plantes médicinales, aromatiques et leurs dérivés. Utilisées entières ou sous forme d’une partie de plante, elles possèdent des propriétés médicamenteuses. Quelle est la réglementation pour ces plantes ?
La notion de plante à la Pharmacopée est prise au sens large de végétaux supérieurs puisqu’en liste A sont présents des algues (Fucus vesiculosus, F. serratus, Ascophyllum nodosum), un lichen (la mousse d’Irlande, Chondrus crispus) et probablement bientôt un champignon, le ganoderme luisant (Ganoderma lucidum).
La Pharmacopée européenne
Par « Pharmacopée », il faut comprendre les pharmacopées européenne et française. Deux listes de plantes d’usage traditionnel figurent à la Pharmacopée française (1*). Les avis d’instruction de projet de textes à la Pharmacopée française, comme les avis de suppression, sont soumis à enquête publique. C’est le cas actuellement de projets de suppression des monographies aneth, noisetier et ronce. Depuis janvier 2020, la monographie beurre de cacao est supprimée. Au niveau européen, un projet de révision de la monographie écorce d’hamamélis est en cours.
Ces monographies analytiques ne doivent pas être confondues avec les monographies communautaires (Herbal monograph) qui constituent une base de connaissances commune pour faciliter l’élaboration d’un dossier d’enregistrement d’un médicament traditionnel à base de plantes dans tous les États membres. Ces monographies de l’Union européenne publiées par l’Agence européenne du médicament (EMA-European Medicins Agency) facilitent et harmonisent le processus d’autorisation entre les différents États membres. Elles sont établies par le comité d’experts scientifiques européens dans le domaine des médicaments à base de plantes, appelé « Herbal Medicinal Products Committee » (HMPC).
Deux modalités principales de dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché existent, sur la base de l’usage médical bien établi, avec documentation bibliographique appropriée, ou sur la base d’un usage traditionnel, pour lequel l’efficacité est considérée comme plausible sur la base de la longue utilisation et de l’expérience. La sécurité est documentée sur la base d’un rapport d’experts et de données de sécurité.
La Pharmacopée française et la question des compléments alimentaires
De son côté, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a mis en place une procédure qui permet un allègement du dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments vétérinaires à base de plantes, de manière analogue à ce qui existe pour les phyto-médicaments à usage humain. L’Anses a également créé un groupe de travail (GT) plantes (collectif d’experts compétents et indépendants) suite à l’entrée en vigueur de l’arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste de plantes autorisées dans les compléments alimentaires (environ 500 espèces végétales) et leurs conditions d’emploi.
L’Anses peut être saisie par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour établir les conditions de sécurité d’emploi des compléments alimentaires à base de plantes ou préparations de plantes, comme dernièrement ce fut le cas des compléments alimentaires à base d’épine-vinette ou d’espèce du genre Berberis contenant de la berbérine.
En janvier 2019, la DGCCRF a publié la liste des plantes pouvant être employées dans les compléments alimentaires. Cette liste recense 1 011 espèces végétales autres qu’algues, lichens et champignons. Pour chacune des plantes entrant dans la composition d’un complément alimentaire, un dossier doit être tenu à disposition de la DGCCRF. Il comprend les caractéristiques botaniques, physico-chimiques et, le cas échéant, toxicologiques. Lorsqu’une allégation santé est formulée, un dossier dit « physiologique » est demandé par la DGCCRF pour justifier l’équivalence avec les compléments objet d’une demande d’allégation en attente d’avis auprès de l’Aesa (Agence européenne de sécurité alimentaire).
L’emploi de plantes dans la fabrication des compléments alimentaires suscite de nombreuses interrogations, tant sur le plan juridique que sanitaire et, en premier lieu, le caractère ambivalent de nombreuses plantes à la fois médicinales, alimentaires et industrielles que l’on retrouve sous l’acronyme PMAI. En second, les divergences de vues entre les administrations de tutelle. Une majorité de plantes strictement médicinales sont autorisées dans les compléments alimentaires. Autrement dit, la plante en sachet vrac fait partie du monopole pharmaceutique (vente au public réservée aux pharmaciens) mais n’importe qui peut vendre la même plante en tant que complément alimentaire sous forme de sachetinfusette.
Les médicaments à base de plante nécessitent une AMM alors qu’une simple déclaration suffit pour les compléments alimentaires. La liste A de la pharmacopée reconnaît environ 450 plantes à la pharmacopée, contre un millier d’espèces autorisées dans les compléments alimentaires. Par ailleurs, les dénominations de la Pharmacopée reposent sur la classification morphologique (Cronquist) alors que celles de la liste DGCCRF s’appuient sur la classification phylogénétique (APG IV).
Quoi qu’il en soit, le potentiel d’utilisation des plantes médicinales est impressionnant et la complexité tant réglementaire que scientifique l’est tout autant. De belles perspectives pour les experts…
Loïc Bureau
Docteur en pharmacie, professeur associé, Faculté des sciences biologiques et pharmaceutiques, université Rennes 1, fondateur et directeur de l’Institut de formation des acteurs de santé (Ifas), Le Mans
(1*) Voir l’article de Claire Clémencin dans ce Grand Angle.