Green boutiques : Des magasins qui s’habillent en vert
« Ce matin, j’ai acheté une jolie plante chez ma coiffeuse. » Cette déclaration n’est pas surréaliste. Un phénomène est en train de se développer : la « green boutique », commerce non prédestiné, au départ, à la vente de végétaux mais qui en propose à ses clients. « La filière devrait s’y intéresser davantage », nous explique Sylvie Ligny, affirmant que ce n’est pas qu’un effet de mode.
Un phénomène est en train de se développer: la « green boutique ». Il s’agit d’un commerce qui, a priori, n’est pas un lieu initialement prévu pour vendre des plantes mais qui se met à en proposer à ses clients, en plus de créer un cadre de verdure, une ambiance conviviale, explique Sylvie Ligny, à l’origine d’une « fabrique de jardin » spécialisée dans le conseil en nouveaux types de jardins (cf. encadré). Coiffeurs, magasins d’art de la table, cafés : une variété de boutiques virent au vert pour la plus grande satisfaction de leurs clients. « Il ne s’agit pas de prendre la place des commerces traditionnels tels les fleuristes, qui ont de vraies compétences et spécificités, mais d’aborder et de séduire une clientèle qui ne franchirait pas spontanément la porte de leurs magasins. »
Une offre diversifiée
« Le citadin exprime de plus en plus des besoins de nature dont il est souvent déconnecté. Mais comment peut-il entrer en contact avec elle ? », questionne Sylvie Ligny. En dehors des fleuristes, les magasins spécialisés comme les graineteries ont quasiment disparu des centres-villes, ne correspondant pas aux nouvelles attentes. Le client potentiel se déplace rarement dans les jardineries à l’extérieur de la cité. D’où l’opportunité, pour certains commerces, de diversifier leur offre et de proposer des plantes à leur clientèle, pas forcément venue dans ce but.
Des services et du conseil
Transformer son magasin en green boutique exige des compétences, non seulement pour entretenir les végétaux mais aussi pour apporter des conseils aux clients. Le végétal fait un peu peur : comment le choisir, le transporter, le rempoter, le conserver en bonne santé dans la maison ? Le commerçant doit pouvoir répondre à ces questions. Cette « vente argumentée » est un premier pas vers le jardin qui, en centre-ville, peut se résumer à un tout petit lopin de terre, une terrasse, un balcon et même un rebord de fenêtre, sans oublier l’intérieur de la maison. « Le lieu où l’on habite est de plus en plus précieux, on y passe beaucoup de temps et on a envie de l’aménager au plus près de ses goûts. Pouvoir y introduire la nature par le biais du végétal est l’une des demandes importantes du citadin », précise Sylvie. « La green boutique doit offrir un cadre où le client se sente bien et où il ait envie de rester ! »
Justine, la green coiffeuse
Le commerçant qui se lance est d’abord un passionné de plantes. C’est le cas de Justine Jeannin, coiffeuse à Paris, qui a décidé de combiner son métier de coiffeuse et sa passion végétale. Elle a inventé sa boutique, What the Flower, salon de coiffure, vrai paradis végétal. Difficile de ne pas craquer pour une plante alors que l’on était venu seulement pour une coupe de cheveux. Cette passionnée a aussi créé www.sweetyoxalis.com, un blog rempli d’idées et de conseils. Autre exemple : la boutique Welcome Bio Bazar, à Paris, spécialisée dans les arts de la table et de la cuisine, offre un rayon bien garni de plantes, le tout présenté avec goût. Le plus est le sous-sol, aménagé en atelier pour enfants, qui connaît un franc succès.
Des initiatives dispersées
Dans toute la France, des initiatives apparaissent. « Il ne s’agit pas d’un épiphénomène mais il se présente de manière dispersée », précise Sylvie Ligny. Pour créer un dynamisme, une synergie dans ce nouveau concept de boutique, Garden_Fab a eu l’idée de lancer le concours Green boutique (terme inventé à l’occasion de ce concours), qui vise à « promouvoir les initiatives commerciales audacieuses, sensibles et durables qui contribuent à (re)connecter les habitants des villes au monde du végétal. ». Ce concours en est à sa troisième édition. Yann Chouquet (lauréat du concours 2019) a créé L’Œil Végétal, une boutique-atelier proposant une sélection de végétaux atypiques dans le IIe arrondissement de Lyon. Marion, de Valence, a installé un mini-magasin de fleurs dans une fourgonnette, style food truck, sous l’enseigne Badabloom Flower Vroom. Chez JANE, enseigne créée à Nantes par Sophie Gandon et Anne Boureau, « jardinières urbaines et branchées », pas de rayons mais des ambiances, qui changent au gré des saisons et des tendances…
Un bienfait pour le centre-ville
Ce nouveau concept de boutique contribue à redynamiser le centre-ville. Dans le cœur des petites et moyennes communes, de nombreux magasins mettent la clef sous la porte. « Le problème est la séparation des commerces par spécialité. Les seuls à avoir droit de tout faire seraient-ils seulement les supermarchés ? interroge Sylvie Ligny. Avec la green boutique, on est comme dans l’épicerie de quartier, magasin à taille humaine où l’on aime se rendre, un lieu qui inspire, tenu par un commerçant en qui on a confiance, à qui on pose des questions, où l’on est reconnu, fidélisé. »
Ces nouveaux magasins entrent dans le cadre de « l’action cœur de ville », dispositif mis en place par le gouvernement « pour accompagner les villes moyennes dans leur programme de revitalisation des centres-villes. »* Mais il existe peu d’aides aux petits commerces qui rencontrent souvent des difficultés. Les municipalités devraient davantage les accompagner car ils sont un atout pour leurs villes. * www.banquedesterritoires.fr
Une opportunité pour la filière
Ce modèle de commerce nécessite une réponse de la filière horticole en proposant une gamme de végétaux correspondant aux attentes des green boutiques. Ces dernières doivent aussi s’organiser car elles ont parfois du mal à s’approvisionner en raison de leur faible taille. « Leur seul porte-voix actuel est le concours, déplore Sylvie Ligny. Nous réfléchissons à le développer vers une forme de communauté d’échanges d’informations et de bons conseils entre green boutiques. » Il en existe un genre informel entre certaines boutiques qui ont des soucis d’approvisionnement : « dis-moi, qui te fournit ? »
Le potentiel est là
On ne peut pas s’improviser vendeur-conseil en végétaux du jour au lendemain. Le concept green boutique concerne tous les âges et tous types de situations : un jeune passionné qui veut se lancer, un commerçant en place qui voit l’opportunité de se reconvertir ou d’élargir son offre… Elle doit s’adapter à la nouvelle manière d’acheter des consommateurs. L’engouement pour les plantes d’intérieur est dû, en partie, à l’effet des réseaux sociaux. Le commerçant doit les maîtriser. Certes, ce n’est pas facile. Certains connaissent des difficultés, voire des échecs. D’autres ont trouvé le bon créneau. Le potentiel est là. La green boutique peut contribuer à « un petit bonheur que l’on peut s’offrir, même en temps de crise ! »
Jean-François Coffin
Journaliste et membre du comité de rédaction de Jardins de France
GARDEN_FAB, LA FABRIQUE DE JARDIN
Le but de Garden_Fab est « d’inventer des formes d’expressions et construire les bases d’une nouvelle voie vers le jardin ».
Garden_Fab réunit le mook Garden_Lab, la boîte à outils accessible sur Internet www.gardenfab.fr, pour créer son jardin, et une activité d’agence, Garden_FabLab.
Tous les services sont proposés sur un site internet : des conseils, des réponses aux questions. « Plutôt que des conseils avisés mais généraux, Garden_Fab vous propose des projets concrets qui vont d’une scène à faire soi-même sur un coin de fenêtre à un accompagnement personnalisé pour concevoir votre terrasse ou un petit jardin. » Garden_Fab vous met en relation avec des paysagistes, des pépiniéristes, des fabricants, des artisans…
Cette fabrique de jardin a été créée par Sylvie Ligny et Cécile Christophe. Une vingtaine de collaborateurs, la garden team, contribuent à Garden_Lab et à Garden_Fab: journalistes, photographes, illustrateurs, paysagistes et jardiniers urbains.