Horticulture : Entre reconnaissance internationale et confusion française
« Le mot “horticulture” est inconnu des jeunes et connu des plus âgés qui ne l’utilisent guère et pour lesquels son contenu reste vague… » Tel est l’un des enseignements d’une étude menée à la demande de la SNHF. Ce mot, utilisé dans le monde entier, a partout la même définition sauf en France.
Si le mot horticulture est mal compris en France, voire même est inconnu de certains, il revêt plusieurs significations. Comment l’expliquer ? Étymologiquement, horticulture a pour racine hortus : le jardin. L’horticulture constitue la part de l’agriculture qui s’intéresse aux légumes, aux fruits et aux plantes d’ornement, et par extension à l’organisation de celles-ci dans les villes, les parcs et les jardins (arts des jardins, paysage). Si ces produits font l’objet d’un domaine spécifique, c’est qu’il s’agit de produits vivants et fragiles « commercialisés en frais » (par opposition aux semences) et qui nécessitent, notamment pour leur conservation, la mise en œuvre de techniques sophistiquées.
Éclatement de l’horticulture
À la demande de la SNHF, l’entreprise C’est-à-dire a réalisé en 2019 une étude sur « les perceptions du mot horticulture » (1*). Deux groupes de jardiniers ont été interrogés : traditionnels (40-65 ans) et émergents (20-40 ans). Il en résulte que « le mot “Horticulture” est inconnu des jeunes et connu des plus âgés qui ne l’utilisent guère et pour lesquels le contenu reste vague… C’est par déduction que les jeunes en approchent le sens et par connaissance du mot “horticulteur” que les plus âgés en élaborent le contenu. Quelle que soit la méthode, “horticulture” renvoie à la culture des fleurs et des plantes vertes en pot destinées à embellir l’extérieur comme l’intérieur des maisons. » Toujours dans cette étude, il est indiqué, que « l’éclatement de l’horticulture et sa réduction à la culture de l’ornement signifient la perte d’une vision d’ensemble en faveur d’une nomenclature de spécialités… (maraîchers, pépiniéristes, horticulteurs) ». Cette réduction est le fait des professionnels (cf. encadré).
Le mot « horticulture » utilisé dans le monde entier
Le nom horticulture et son adjectif dérivé (horticole, horticultural en anglais) sont des mots très utilisés dans les pays anglo-saxons et compris de la même façon presque partout dans le monde. Pour preuve, il existe des départements d’horticulture ou d’enseignement de tous niveaux tout autour de la planète, par exemple, dans les universités américaines telle que l’Université multisite de l’État de Washington, celle de l’Oregon à Corvallis, mais aussi en Arkansas, en Floride, dans l’Indiana, dans le Colorado, etc. Au Canada, les plus grandes universités affichent des enseignements d’horticulture comme à Guelph, en Ontario, à l’Université McGill et à l’université Laval au Québec. En Europe, au moins huit universités ou écoles, dont Wageningen, aux Pays-Bas, affichent le mot horticulture dans leurs enseignements (2*). Enfin, on trouve des départements d’horticulture dans les universités du Rajasthan, du Punjab en Inde et des formations à l’horticulture en Australie, en Chine, etc.
Un sens très large
Pour se convaincre de l’universalité du mot « horticulture », il suffit de constater que plus de cinquante pays sont représentés dans les instances de la Société internationale de la science horticole (International Society for Horticultural Science, ISHS), de l’Argentine aux États-Unis. Créée en 1959 en Belgique, elle a pour langues officielles le français et l’anglais. La définition qu’elle donne de l’horticulture, à laquelle adhèrent tous ses membres, est extrêmement large (3*) puisqu’elle couvre aussi les produits transformés (jus, purée…), même par les animaux (miel).
En France, tant qu’il s’agit d’enseignement et de recherche, les mots « horticulture » et « horticole » sont utilisés dans leur sens international, donnant une lisibilité elle-même internationale à ces deux secteurs. Il existe un Institut de recherche en horticulture et semences qui relève de l’Inrae, d’Agrocampus Ouest et de l’Université d’Angers. Agrocampus Ouest, en tant qu’établissement d’enseignement supérieur, délivre un diplôme d’ingénieur dans la spécialité Horticulture (4*).
Confusion totale en France
En France, la confusion devient totale dans tous les autres milieux, des instances gouvernementales aux particuliers en passant par les professionnels.
Pour trouver le mot « horticulture » dans l’organigramme du ministère de l’Agriculture, il faut s’acharner. On finit par découvrir « produits horticoles » au sein de la « Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises », « sous-direction des filières agroalimentaires » (les produits de l’horticulture ornementale se mangeraient donc ?), « bureau fruits et légumes et productions horticoles » (les fruits et légumes ne seraient donc pas des produits horticoles ?).
Autrement dit, pour les instances gouvernementales, les productions horticoles et, par conséquent, l’horticulture, se réduisent aux productions ornementales ! A contrario, si on cherche sur les sites canadiens, le gouvernement donne de l’horticulture une définition claire et large (5*). De même, le mot horticulture figure à l’égal de l’agriculture sur le site du ministère de l’Agriculture néerlandais et ne couvre pas que l’horticulture ornementale (6*).
Des productions noyées dans un conseil spécialisé
Les statistiques françaises en provenance de FranceAgrimer (7*) séparent la filière fruits et légumes de la filière horticole. Celle-ci est définie comme « la filière française de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage » ! L’adjectif horticole semble donc couvrir un secteur plus large que le mot horticulture ! Les productions horticoles, au sens de FranceAgrimer, sont noyées dans un conseil spécialisé intitulé « productions végétales spéciales » dont les compétences couvrent les productions issues de l’horticulture florale et ornementale, ainsi que des pépinières, les productions des plantes de service, plantes à parfum, aromatiques et médicinales et les produits issus de la transformation de ces produits. Le mot « horticulture » a cependant été qualifié, ce qui est rare. Mais quelle est la différence entre horticulture florale et l’horticulture ornementale ?
Un mot indispensable
Clairement devant cette schizophrénie, il ne faut pas supprimer de notre vocabulaire le mot « horticulture », indispensable à la reconnaissance internationale de l’enseignement et de la recherche. Mais il faut garder en mémoire que dans les milieux gouvernementaux et professionnels français, le mot « horticulture » se réduit aux productions ornementales et aux métiers associés. Aussi devons-nous faire œuvre de pédagogie pour que ce mot soit reconnu et compris par tous, si possible dans son sens le plus large.
Dominique Douard
Président de la SNHF
Noëlle Dorion
Présidente du comité de rédaction de Jardins de France
(1*) Cette étude a été cofinancée par FranceAgrimer.
(2*) www.hortidoc.net/contacts-europeens
(3*) www.ishs.org/defining-horticulture
(4*) Voir article de Bruno Gadoud dans ce dossier (page 42)
(5*) L’industrie horticole du Canada comprend les fruits et les légumes de grande culture et de serre, des milliers de variétés de fleurs et de plantes ornementales, le ginseng, ainsi que les produits de l’érable et du miel. Les fruits et les légumes sont exportés frais ou congelés ou sous forme de produits transformés destinés à la vente au détail et à la restauration (www.agr.gc.ca/fra/industrie-marches-et-commerce/renseignements-sur-les-secteurs-canadiens-de-l-agroalimentaire/industrie-horticole/?id=1184692853496).
(6*) www.government.nl/topics/agriculture/agriculture-and-horticulture
(7*) Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer.