L’ENDIVE : Histoire et technique de culture
Avec une production de 160 000 tonnes, la France reste le premier producteur mondial d’endives, loin devant la Belgique, son berceau historique. En 2017, ce légume se situe en bonne place dans la consommation des Français, avec 6,7 kg achetés par ménage et par an. Malgré ses atouts nutritionnels et sa praticité, aussi bien crue en salade que cuite en accompagnement, l’endive reste encore méconnue dans de nombreux pays.
Près de 90 % de la production d’endives sont concentrés dans les Hauts-de-France, pour des raisons historiques mais aussi pédoclimatiques et d’organisation du marché. En raison de la technicité de sa production, l’endive est aussi méconnue des jardiniers amateurs.
Un peu de botanique… et d’histoire
Les chicorées du genre Cichorium appartiennent à la famille des astéracées. Parmi les chicorées, on distingue les espèces C. endivia L., qui produisent les chicorées scaroles et frisées, et C. intybus L., qui donnent les chicorées amères. Parmi ces chicorées, on trouve la chicorée Witloof ou endive, mais aussi les chicorées sauvages améliorées, souvent d’origine italienne, et les chicorées industrielles (voir encadré p 37).
Vers 1630 à Montreuil-sous-Bois, un jardinier découvre par hasard que des racines de chicorée sauvage, disposées dans une cave, donnent de longues feuilles blanches et découpées grâce à la tiédeur et à l’absence de lumière. La barbe de capucin était née, avec des feuilles blanches moins amères que les feuilles vertes. Cette expérience fait des émules avec le lancement d’une véritable industrie qui alimenta Paris, trois siècles durant, en salades fraîches pendant l’hiver. En 1870, on dénombrait plus d’une centaine d’étioleurs à Montreuil. Mais la barbe de capucin est supplantée à Paris après la Première Guerre mondiale par l’arrivée, depuis la Belgique, d’une autre chicorée du nom de Witloof ou chicorée de Bruxelles. L’histoire dit que c’est Frans Bresiers, le jardinier en chef du jardin botanique de Bruxelles, qui aurait fait cette découverte vers 1850 et développé la technique de production, qui est restée longtemps secrète. En France, Henri de Vilmorin présente le produit aux sociétés d’horticulture en janvier 1875. L’endive, développée après la Seconde Guerre mondiale dans le nord de la France, est dénommée chicon.
Une production complexe
Cette production a la particularité de comprendre deux phases : la culture de la racine au champ, de mai à novembre, et le forçage, après conservation des racines au froid. Si l’adaptation des conditions de forçage permet d’optimiser le potentiel des racines, c’est au champ que se fait la qualité du produit. Il s’agit d’abord un légume d’hiver, avec une production qui s’étale de novembre à mars. Cependant, l’amélioration des variétés et l’utilisation de techniques particulières par les professionnels (bâche plastique pour la précocité, chambre froide négative pour conserver la racine) permettent maintenant une production toute l’année.
La production de la racine
Le choix de la variété a une incidence prépondérante sur la qualité du produit. En effet, les populations traditionnelles nécessitent généralement de la terre sur le bourgeon pour obtenir un produit dense et bien fermé. Les hybrides F1 ont été développées pour un forçage sans cette terre de couverture. Ils sont plus homogènes, plus productifs et plus souples d’utilisation. On récolte les racines après 150 à 170 jours de végétation, soit de la mi-octobre à la mi-novembre. On coupe la racine à 15 à 17 cm et le feuillage en laissant un bouquet foliaire de 3 à 5 cm pour conserver et protéger le bourgeon qui donnera l’endive. Il faut bien éliminer la terre attenante à la racine, car elle peut contenir des champignons.
Le forçage
L’endive est une plante bisannuelle. Après la phase d’accumulation des réserves dans la racine, la plante rentre en repos hivernal. Si les conditions extérieures sont favorables, la dormance est partiellement levée et le bourgeon terminal se développe pour donner une rosette de feuilles à la lumière ou une endive, si la racine est placée à l’obscurité.
Pendant la phase entre l’arrachage et le forçage, il faut conserver les racines au froid, en évitant le dessèchement de la racine et du bourgeon, et favoriser l’émission de nouvelles radicelles. On peut repiquer les racines côte à côte dans une caisse dans laquelle on a disposé 8 à 10 cm de substrat humide.
Cette caisse sera rentrée au chaud dans une cave, près de la chaufferie par exemple, et maintenue à l’obscurité. L’arrosage sera plus régulier, tous les trois à quatre jours en début de forçage puis tous les un à deux jours. Il faut humidifier le substrat sans mouiller le bourgeon en cours de pousse. La rentrée décalée des caisses de l’extérieur vers un lieu chauffé permet l’étalement de la production. Il faut de trois à six semaines, selon la température, avant la récolte. Seul le bourgeon terminal donne une endive.
Michel Marle
Ingénieur CTIFL/Apef Apef-AOP Endives