Abris à insectes : les conseils d’un pro

Jean-François Coffin

Qu’on les appelle hôtels, abris ou chalets à insectes, ils sont très tendance dans une période où l’on se préoccupe de plus en plus d’écologie. Mais ont-ils un véritable rôle dans la biodiversité ? Des questions que nous avons posées à un spécialiste, Philippe Bérenger-Lévêque, qui nous en décrit l’intérêt mais nous donne aussi des conseils.

Exemple d’abri à insectes dans le jardin du Luxembourg à Paris - © J.-F. CoffinExemple d’abri à insectes dans le jardin du Luxembourg à Paris - © J.-F. Coffin


Jardins de France : Pouvez-vous nous expliquer l’intérêt de construire un abri à insectes ?

Philippe Bérenger-Lévêque : La destruction  de l’environnement, des lieux de biodiversité entraine la disparition des abris des insectes que sont les bois morts, les troncs et leurs écorces, les branches, les souches, y compris les petites branches mortes sur les arbres sains. Ces bois morts sont aussi source de nourriture pour les insectes. Ils sont pour eux la chambre à coucher, le couvain, la crèche et la cuisine selon les espèces.
Un jardinier, s’il ne supporte pas la présence de ces éléments qu’il estime faire désordre dans son jardin, va être tenté de les détruire. Il contribuera à l’érosion de la biodiversité, brisera les équilibres naturels et devra alors compenser en offrant autres gites et couverts aux insectes. C’est le rôle des hôtels à insectes que l’on voit « fleurir » aussi bien chez les particuliers que dans les espaces publics.

 

JdF : Y a-t-il des préalables avant de décider de construire un hôtel à insectes ?

P. B-L : La démarche de construction d’un hôtel à insectes doit être associée à celle d’apport de nourriture, notamment celle fournie par la flore. Cela ne sert à rien d’attirer les insectes dans son hôtel s’il n’y a pas grand-chose pour se nourrir aux alentours, dans un désert alimentaire. Un des drames sous-estimés est la diminution de la nourriture en nectar proposée par les fleurs. La plupart des fleurs ornementales vendues dans le commerce sont des variétés stériles, sans nectaire (glande qui secrète le nectar) donc ne fournissant pas de nectar, base de la nourriture de nombreux insectes notamment des mellifères du genre anthophora. C’est gravissime. J’ai vu, quai de la Mégisserie à Paris, une abeille tourner autour d’une gueule de loup sans pouvoir s’y introduire, puis tomber d’épuisement.
La plupart des plantes de nos jardins sont d’origine exogène, boudées par les insectes autochtones, comme des chenilles ne pouvant pas dévorer le feuillage.

 

JdF : Il faut donc semer, en plus des espèces ornementales, des plantes indigènes, donc qui poussent naturellement dans la région.

P. B-L : En effet. Si on joue sur la diversité des plantes, on aura une diversité animale. Et peu à peu va s’installer un équilibre. Une huitaine d’espèces de mésanges se répartissent l’espace depuis le sol jusqu’au sommet de la couronne des arbres et, de cette façon, limite la concurrence en s’y nourrissant d’insectes différemment localisés.

 

JdF : Oui, mais favoriser la présence de chenilles, même si elles donnent naissance à de très beaux papillons, va entrainer la destruction du feuillage des plantes du jardin ?

P. B-L : De nombreux insectes sont qualifiés de nuisibles. Mais tout est une question d’équilibre et, au bout d’un moment, tout s’autorégule. Un grand nombre d’entre eux travaillent dans l’ombre. Certains sont des pollinisateurs indispensables à la fécondation des végétaux, d’autres permettent le recyclage de la matière organique. On ne supporte pas les mouches domestiques et encore moins leurs asticots. Mais sans ces insectes qui contribuent à nettoyer par exemple étables et bergeries, nous croulerions sous les déchets !

 

JdF : Maintenant que nous avons vu la nécessité de protéger les insectes, leur besoin en nourriture, que nous avons décidé de construire un hôtel, comment procéder ?

P. B-L : Il faut, avant tout, utiliser des matériaux non traités. L’abri doit être conçu pour accueillir des insectes de toutes tailles, du plus petit au plus grand. Donc, prévoir des interstices de différentes dimensions. Ne mélangez pas les différents types d’hébergement, cloisonnez l’hôtel par genre d’habitat, comme les petits trous dans une case, les plus gros dans une autre pour que les mêmes familles d’insectes se regroupent et ne se perturbent pas entre elles. Dans la nature, on se fuit, mais dans un abri artificiel  les insectes doivent se supporter. L’abri devra donc être de dimension suffisante. Sa profondeur doit être d’une dizaine à une trentaine de centimètres.

 

Hôtel à insectes
Quels matériaux pour quels insectes ?

Chaque insecte a ses préférences quant à la matière de son hébergement. Voici une liste qui vous aidera à accueillir une diversité de familles.

1. Paille ou bois : bien abrité, ce matériau pourra accueillir les jolies chrysopes, dont les larves se nourrissent de pucerons, cochenilles farineuse, aleurodes (ou « mouches » blanches), thrips ou œufs d'acariens.
2. Tiges de bambous : elles servent d'abri aux abeilles solitaires qui pollinisent les premières fleurs des arbres fruitiers, dès le moi de mars.
3. Pots de fleurs retournés et remplis de foin : cela attire les perce-oreilles qui contribuent à contenir les populations de pucerons.
4. Planchettes de bois entassées derrière ces plaques en métal : où viendront se loger des insectes xylophages qui participent à la décomposition du bois mort.
5. Bûches percées : elles constituent un abri très apprécié de nombreux hyménoptères comme certaines abeilles mais aussi guêpes solitaires, dont les larves se nourrissent d’autres insectes.
6. Fagots de tiges à moelle : comme la ronce, le rosier, le sureau, offrent des abris idéaux pour différentes autres petites espèces d’hyménoptères.
7. Briques : elles sont appréciées des osmies (abeilles solitaires).
8. Planchettes bien rapprochées et abrités : elles attirent les coccinelles qui viennent y passer l'hiver. Leurs larves consomment énormément de pucerons.

Source : www.jejardine.org où vous pourrez retrouver toutes les étapes
pour la construction d’un abri à insecte et de nombreux conseils complémentaires.


JdF : Quel emplacement lui réserver dans le jardin ?

P. B-L : Réservez-lui une place où le soleil donne dessus. Il doit être exposé sud/sud- est, éventuellement est/sud-est. Ne le mettez pas au milieu du jardin mais adossez-le contre un mur ou une haie qui le protègeront des vents dominants. Ne le posez pas à même le sol et laissez dessous un espace pour la ventilation. Le fond doit être complètement fermé.

 

JdF : Comment les insectes vont-ils être attirés par l’hôtel ?

P. B-L : La vie attire la vie. C’est un peu comme une réaction en chaine. Les premiers insectes, en quête d’hébergement, vont vite repérer les interstices accueillants de l’hôtel. Ces premiers arrivants vont produire des déchets, une descendance, de la nourriture  qui vont en attirer d’autres et tout un cortège d’espèces va se mettre en place, les unes étant dépendantes des autres. L’hôtel peut concerner de nombreuses espèces d’insectes.

 

JdF : Combien de temps doit-on laisser en place l’abri ?

P. B-L : Construire un tel abri constitue une véritable responsabilité. C’est comme lorsqu’on accueille un petit chat ou un petit chien dans une famille. Il n’est pas question de s’en séparer au bout d’un moment, par lassitude ou commodité. Un constructeur d’hôtel à insectes doit savoir qu’il s’engage à le conserver à long terme dans son propre espace de vie.

 

JdF : En somme, c’est comme si on mettait à la porte des locataires et leur famille du jour au lendemain sans leur proposer un autre hébergement ?

P. B-L : Exactement. Certes, vous pouvez le déplacer si vous vous apercevez qu’il n’est pas à sa place, mais pas le détruire !

 

JdF : Faut-il prendre certaines précautions au cours de la vie de l’hôtel ?

P. B-L : Il n’y a pas d’interventions particulières si ce n’est de le consolider s’il se détériore. Attention au feu car l’hôtel est à base de matières très inflammables. Un des plus gros dangers pour lui est l’homme lui-même : des enfants dans un jardin particulier qui peuvent le détériorer, ou le vandalisme d’autres personnes dans les espaces publics.
Il faut éliminer la peur qu’un hôtel puisse attirer des insectes piqueurs. Les abeilles ne piquent pas spontanément l’homme, sauf s’il les cherche. Les guêpes ne seront attirées que par le bois, matière première qu’elles prélèvent pour construire ailleurs leur nid.

 

JdF : Un dernier conseil, par exemple au niveau esthétique ?

P. B-L : Souvent, on donne une forme de maison à ces abris à insectes, projection que l’homme se fait de l’abri. Mais on peu créer des formes différentes, plus proches des éléments observés dans la nature, afin d’avoir un aspect moins artificiel dans le paysage. Les créateurs que nous essayons d’être se penchent sur la question ! D’où le partenariat qui se noue entre l’association Caliter dont la vocation est de s’occuper de biodiversité et l’entreprise Nichoir d’ici et d’Ailleurs dont l’objet est de penser des abris, des nichoirs pour les faunes locales.

 

Propos recueillis par Jean-François Coffin

 

 

9 thoughts on “Abris à insectes : les conseils d’un pro”

  1. Bonjour, merci pour cet article. Mon hôtel à abeille se fait attaquer par les oiseaux. J ai mit une grille (mailles pas trop serrées) mais ça ne suffit pas. J ai aussi pendu des cd pour faire fuire les oiseaux avec leur reflets.
    Merci beaucoup d avance pour votre conseil. Meilleures salutations

  2. Bonsoir mon jardin ets coller a celui du voisin. Il a installer un hotel a insect et il est infester de guepe est ce que jai le droit dedemander a ce quil lecarte car nos jardin sont petit et les guepe sont un danger pour mes enfants qui joue dans mon jardin?

  3. Bonjour,

    J’ai installé ma maison à insectes il y a maintenant un peu plus de 2ans. Beaucoup d’insectes y venaient j’étais super contente ! Mais un oiseau est venu casser et sortir les bouts de bois « creux » où les abeilles allaient. Je l’ai refait mais dès le lendemain l’oiseau est revenu. Que puis-je faire ?

  4. Bonjour , puis je utiliser de OSB pour construire la structure de mon hotel a insectes . J’ai un doute! Merci pour votre réponse avertie . Amicalement H BAZIRET.

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