Semer pour créer ses propres rosiers
Les graines de rose sont contenues dans un fruit sec, « l’akène », lui-même caché au sein du cynorhodon.
Oui, les graines de rosiers existent, elles peuvent même être semées et, en choisissant les bons porte-graines, vous observerez en moins d’un an, à travers les premières floraisons, toute la diversité génétique qui en est issue. Mais à ce stade, personne ne peut encore prédire les performances « agronomiques » de ces plantes. Il faudra encore plusieurs années de culture en pleine terre pour choisir les meilleures. Alors, armez-vous de patience et sachez que pour avoir un seul élu, les obtenteurs professionnels choisissent parmi environ 15 000 individus après huit à douze ans de sélection !
Récolte des graines
Il faut récolter les graines entre le 15 novembre et début décembre et s’assurer au préalable que la variété porte-graine a elle-même une germination normale. La germination des graines de rosier étant délicate, une germination normale varie de 10 à 40 % (Queen Elizabeth 31 %, Silver Jubilee 43 %, Mme A. Meilland 20 %).
Il faut ensuite extraire les graines. Les graines de rosiers sont contenues dans un fruit sec qu’on appelle « akène ». Ces akènes sont protégés dans une structure charnue dénommée cynorhodon. Ce cynorhodon est ouvert en quatre (photo n° 1). Les semences sont extraites à l’aide d’un stylet en bois. Il faut alors bien les frotter ensemble entre plusieurs feuilles d’essuie-tout pour enlever les restes de pulpe et les poils (photo n° 2 et 3). N’oubliez pas que ces poils sont appelés familièrement « poil à gratter » ! Il convient donc de prendre quelques précautions : retrousser ses manches, ne pas se toucher les yeux et bien se rincer les mains en fin de manipulation.
Il faut ensuite mettre les graines à tremper dans un récipient plein d’eau claire pendant 1 heure à 1 h 30, puis éliminer les graines flottantes.
Vers la germination
Les graines ne sont pas encore aptes à germer et doivent subir plusieurs étapes de post-maturation qui sont destinées à éliminer les différentes dormances, celles des téguments de la semence et celle de l’embryon contenu dans celle-ci.
Pour réaliser la première post-maturation, laissez les graines au sec à l’air libre pendant quinze jours. Vous pouvez alors entamer la deuxième séquence de post-maturation en conditions humides et à température ambiante intérieure (19-21 °C). Ne travaillez pas sur moins de 50 graines, enroulez-les dans des carrés de tissu en forme de cigare (photo n° 4), humectez le tissu et stockez les rouleaux verticalement dans une boîte en plastique en conditions humides (toujours un peu d’eau au fond de la boîte, +/- 1 cuillère à soupe d’eau par jour) pendant trois semaines.
Il est temps d’entamer la troisième séquence de post-maturation, toujours en conditions humides, mais au froid, en transférant la boîte contenant les cigares de graines dans un frigo ménager (5-8 °C). Rien ne se passe pendant au minimum cinq semaines. Toutefois, vérifiez chaque semaine qu’il reste un peu d’eau stagnante (toujours un peu d’eau au fond de la boîte +/- 1 cuillère à soupe d’eau par semaine).
Le début des germinations s’observe au frigo après cinq semaines. La radicule, minuscule pointe blanche, apparaît en premier mais il faut laisser les graines au frigo jusqu’à ce que la plantule de couleur jaune clair (étiolée) soit bien développée, entièrement libérée de la graine, avec des cotylédons épanouis et un radicule bien identifiable (photo n° 5).
Votre rosier pointe le bout de ses épines
L’opération suivante est délicate. La radicule peut avoir commencé à « mordre » le tissu (plus le tissu est fin, plus petit sera le petit bout de radicule piégé et la plantule survivra) il faut donc prélever chaque plantule avec la plus grande délicatesse (elle est cassante comme un filament de verre fin) et la transplanter dans un petit pot avec du terreau horticole (photo n° 6). Les pots sont placés à l’extérieur en condition hors gel (sur le rebord d’une fenêtre, sous un abri froid).
Il faut renouveler l’opération chaque fois qu’une plantule a atteint le stade favorable car les germinations peuvent s’étendre sur plusieurs semaines.
En conditions extérieures ensoleillées, la photosynthèse est active et les plantules verdissent très rapidement. Elles supportent de petites gelées (-1/-2 °C). Si la météo annonce une vague de froid il est préférable de leur faire passer la nuit au chaud mais de les ressortir dès le lendemain.
Le bouton floral apparaîtra quand la jeune plante aura produit 3 à 4 rangs de vraies feuilles. Attention, à ce stade tout stress hydrique est fatal ! Entre la transplantation et la première fleur, il se passe dix à douze semaines. La plantule qui fleurit pour la première fois n’est pas ramifiée, elle mesure environ 20 cm de haut et la fleur est représentative de ce qu’elle deviendra sur la plante adulte.
Chaque rosier sera un individu unique et appartiendra « usus, fructus et abusus » à son détenteur. Alors à vous de jouer, pourquoi pas en famille avec vos enfants et petits-enfants ? D
Jacques Mouchotte
Ancien directeur de la recherche aux Établissements Meilland, membre du conseil scientifique de la SNHF