Le Jardin botanique de Dijon: une fenêtre sur la biodiversité sauvage et cultivée
Sophie Jolivet
Au coeur de Dijon, dans le parc de l'Arquebuse, le Jardin des sciences, établissement municipal de partage des savoirs autour de la nature, réunit un arboretum, une roseraie, une école de botanique, un muséum d'histoire naturelle, un planétarium, des salles d'expositions temporaires... En cours de rénovation, l'école de botanique propose à tous les publics de découvrir la diversité du vivant sauvage et cultivé…
Le jardin botanique de Dijon, oeuvre du savant B. Legouz de Gerland, fondé en 1771, fut transféré, en 1833, au sein du parc de l’Arquebuse. Il réunit un arboretum aménagé au sein d'un parc à l'anglaise ainsi qu’une école de botanique dont le tracé organisé « à la française » s'inscrit dans la tradition des grands jardins botaniques. Ici, les quatre grands carrés se divisent en soixante-dix plates-bandes bordées de buis. L'école de botanique a été classée monument historique en 1964. Créée à l'origine dans un but d'enseignement scientifique de la botanique, elle reçoit, à partir de 2001, une nouvelle orientation dans le cadre du projet d'établissement du jardin des sciences, pour devenir un nouvel espace d'interprétation et de présentation des plantes vivantes. L'objectif est de présenter à un public, essentiellement urbain et de moins en moins en contact avec les plantes « dans leur milieu », une diversité végétale qui n'est pas seulement sauvage, mais aussi cultivée, et de mieux appréhender les influences que les hommes exercent sur cette diversité.
Une invitation à la découverte
Les scientifiques, les conseillers extérieurs et les médiateurs du musée ont élaboré un parcours haut en couleurs. Tout est prévu pour découvrir la diversité du monde vivant, celle des milieux (écosystèmes), des espèces et individus, la diversité génétique… « Sauvage » définit des plantes vivant sans l'intervention volontaire del'homme, par opposition à « cultivé », qui renvoie aux plantes sélectionnées, modifiées par l'homme, ou dont le milieu a subi l'intervention humaine (traitements du sol, amendement), en vue de les cultiver.
Une première plate-bande, réunissant des espèces de la grande famille des Astéracées, entraîne le visiteur au coeur d’un riche univers végétal. Le parcours se poursuit autour de la découverte de la diversité sauvage. Les plantes, collectées dans la nature par l'équipe de botanistes, sont présentées par milieu, en suivant le classement systématique : prairies humides, bords des eaux, forêts, lisières... On y découvre de nombreux spécimens remarquables, à l’instar de la tulipe des bois (Tulipa sylvestris L.), l'une des dix tulipes indigènes d'Europe, dela fritillaire pintade (Fritillaria meleagris L.) qui fait partie des plantes bulbeuses des milieux humides. On y croise aussi la nivéole de printemps (Leucojum vernum L.), une « perceneige » pourvue de grosses fleurs en clochette apparaissant dès le mois defévrier-mars ou encore l'orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis L., Rich.), une orchidée terrestre européenne, adaptée aux des pelouses sèches de Bourgogne… Cette découverte de la biodiversité botanique s'achève par une présentation de ses mécanismes, c'est-à-dire les différentes voies par lesquelles les plantes s'adaptent aux conditions des milieux : l'évolution, la reproduction, la pollinisation sont illustrées et accompagnées de textes didactiques.
Les hommes et la biodiversité…
au fil des pas…
L'homme est à l’origine de nombreux changements à tous les niveaux (milieux, individus). En sélectionnant les plantes ou certains de leurs caractères pour répondre à leurs besoins, les hommes influencent l'évolution de la biodiversité.
Au sein du jardin, les plantes sont présentées selon les usages qu'en font les hommes, et parmi eux, la fonction alimentaire occupe une grande place. Le parcours s'attache d'abord à définir les termes employés dans un jardin botanique : quand le langage courant répartit les plantes alimentaires en fruits, légumes, céréales, le langage botanique classe les plantes en familles comme les Fabacées, les Alliacées, les Brassicacées... La diversité s'exprime donc non seulement à travers les espèces, les variétés ou les cultivars, mais aussi à travers les usages qui en sont faits : nous mangeons les fleurs de l'artichaut, la tige du poireau, le tubercule de la pomme de terre... Quant à la diversité parmi les variétés, souvent méconnue des visiteurs, elle est largement illustrée, à l’exemple de celle de nombreuses variétés de pinot, cépage emblématique de la Bourgogne.
Outre les usages alimentaires, d'autres fonctions utilisées par l'homme feront l'objet d'une présentation complète en 2013 : plantes médicinales, ornementales, textiles, tinctoriales... En guise de conclusion, à l'heure où de nombreux scientifiques alertent sur une sixième grande crise d'extinction de la biodiversité sur Terre, le parcours du jardin botanique cherche à interroger l'action des hommes sur l'évolution de la biodiversité. Une meilleure connaissance de ses mécanismes, incitera les visiteurs à réfléchir sur leurs propres conceptions de la biodiversité.
Partager les savoirs
Les séances d'initiation à la botanique, les parcours ludiques en passant par des ateliers de pratique (jardinage, multiplication des végétaux, taille de roses, cours d'aquarelle...) font partie d’un riche programme d'activités pédagogiques pour les individuels et les scolaires. Dès 2013, l'offre aux publics sera complétée, au sein du jardin, par des panneaux explicatifs dans les plates-bandes.
Le projet de rénovation de l'école de botanique s'inscrit dans le cadre d'une orientation forte qui articule, autour de la biodiversité, plusieurs axes, dont les plus emblématiques sont la rénovation du muséum d'histoire naturelle (fin du projet en 2013 en même temps que l'école de botanique), et la mise en place d'un observatoire participatif de la biodiversité urbaine. Le jardin botanique participe à cette dynamique, en proposant aux usagers nombreux du parc de l'Arquebuse, une fenêtre ouverte sur la diversité du monde végétal.
La rose ‘Gloire de Dijon’
La roseraie du Jardin des sciences se veut être une roseraie éducative. Elle présente une succession d'espèces sauvages et de variétés cultivées ancestrales, piliers de l'évolution horticole de cette fleur. C'est ainsi que se côtoient la Rosa gallica botanique, la Rose officinale, symbole de la maison de Lancastre, la Rose blanche représentant la Maison d'York (guerre des deux roses), la Rose de Damas (à parfum), la Rose de Chine, les premiers rosiers « thé », ancêtres de la Gloire de Dijon. Celle-ci est créée par le dijonnais Jacotot en 1853, en mariant la Thé-noisette Jaune Desprez avec la Bourbon Souvenir de la Malmaison.
Un arboretum accessible à tous
Au sein d'un parc à l'anglaise, où serpente le petit ruisseau du Raines, l’arboretum complète l'école de botanique depuis 1835. Il réunit des arbres d'essences locales, mais aussi exotiques : des chênes, des séquoias, le févier d’Amérique, l’acajou de Chine, le cyprès chauve ou le tulipier et le plaqueminier de Virginie... Au total, quelque 170 espèces sont à découvrir. Sur le ruisseau, une petite île héberge une collection unique d’anatidés : des canards sauvages d’Europe.
L'arboretum fait actuellement l'objet d'un projet de parcours de visite adapté aux déficients visuels, pensé en collaboration avec des associations et proposant trois circuits différents, de la simple balade à la découverte des arbres et arbustes, en passant par l'histoire du jardin et de ses monuments.
Un observatoire participatif de la biodiversité urbaine
S'appuyant sur des travaux naturalistes et les dispositifs nationaux de sciences participatives pour le suivi de la biodiversité (programmes « Vigie Nature » du Muséum National d'Histoire Naturelle), il associe les publics de manière participative ainsi que différents acteurs locaux, autour d'objectifs communs : acquérir et développer des connaissances sur la biodiversité à l'échelle locale (faune, flore, écosystèmes), établir une typologie des espaces « réservoirs de biodiversité urbaine », aider à la décision pour l'aménagement et la gestion des espaces, sensibiliser les citoyens à l'environnement et à la biodiversité urbaine.
Le « Guide illustré du visiteur au Jardin botanique de Dijon », rédigé en 1925 par P. Genty, directeur du Jardin de l’Arquebuse, retrouvé dans les archives, nous emmène à la découverte du jardin. Le tronc du fameux peuplier noir (Populus nigra L.), couché sur des piliers de maçonnerie, ne passe pas inaperçu. Abattu par une tempête dans la nuit du 14 au 15 juillet 1917, bien qu’il fut retenu par des haubans d’acier, cet arbre gigantesque devait être âgé de près de 600 ans. Il mesurait 37 mètres de hauteur et sa circonférence de tronc, à hauteur d’homme, était de 8 mètres. C’était un exemplaire mâle, probablement unique par sa longévité en général peu grande pour l’essence à laquelle il appartenait, celle des bois blancs.
Autre spécimen, probablement unique au monde, un châtaignier (Castanea sativa Mill.), greffé en 1835 sur un chêne blanc (Quercus pedonculata Ehrh.) alors âgé de 90 ans. Il dépasse 12 m de haut et la circonférence de son tronc, à 1 mètre du sol, est de 1 m 35. On distingue clairement le chêne porte-greffe et le châtaignier (greffon), beaucoup plus développé. Le châtaignier-chêne de Dijon est considéré comme l’unique échantillon connu ayant atteint un plein développement. Il vécut jusqu’en 1946, date à laquelle il fut abattu. La greffe de ces deux grands arbres forestiers de genres différents n’était pas seulement une curiosité botanique, elle avait aussi un but pratique. Le châtaignier, réputé pour sa grande résistance, ne pousse pas naturellement sur les sites calcaires de Bourgogne. Sa culture dans la région aurait permis la production de structures imputrescibles de soutien pour les plants de vigne. Par André Holodynski, ancien directeur du service des espaces verts et de l'environnement de Dijon.
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES
- Jardin des sciences Muséum / Planétarium / Jardin botanique
- Parc de l'Arquebuse Ouvert tous les jours de 8h au coucher du soleil
- Muséum 1 avenue Albert 1er
- Planétarium et expositions temporaires 14 rue Jehan de Marville 21000 Dijon
Renseignements et réservations : 03 80 48 82 00 museum@ville-dijon.fr www.dijon.fr