Une nécessaire prise en compte de la qualité des sols, de l’air et de l’eau

Christophe SchwartzPhilippe BranchuJean-Noël Consalès

L’éclatement des formes d’agricultures urbaines, et plus particulièrement des jardins collectifs, résulte d’attentes sociales, économiques et écologiques de plus en plus diversifiées.
Si les pratiques tendent à s’écologiser, cela suffit-il à prévenir les risques sanitaires dus à une pollution élevée, à cause des pratiques mais aussi de l’environnement urbain ?

Les avancées récentes de la recherche doivent permettre aux collectivités locales et aux associations de proposer des lignes directrices pour l’aménagement et la gestion des sites agri-urbains et en particulier des jardins collectifs (familiaux ou partagés).

Potager
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Il y a aussi un besoin marqué de sensibiliser, voire de former les agriculteurs urbains par rapport au rôle et à la gestion des intrants (engrais, compost, autres déchets et sous-produits) et de leurs conséquences sur les niveaux de fertilité et de contamination des sols.

La question des contaminations urbaines susceptibles de présenter un impact sur les jardins collectifs urbains est désormais un problème public. En fonction des connaissances disponibles, l’enjeu est bien de définir en amont la qualité du sol urbain, avant d’envisager un usage agri-urbain et d’orienter la stratégie d’aménagement en fonction de la qualité des sols. Par exemple, la mise en place d’un jardin potager urbain doit s’accompagner d’une sensibilisation, voire d’une formation des jardiniers Pour ce faire, le sol, support des végétaux, et plus largement pourvoyeur de services écosystémiques, devrait être identifié par les agriculteurs urbains comme objet central de leurs pratiques.

Quels risques sanitaires ?

Les terres de jardins sont marquées par une augmentation des teneurs en polluants minéraux (métaux) et organiques (hydrocarbures), ainsi qu’en phosphore et en matières organiques. Ces modifications sont en grande partie liées aux pratiques de jardinage. La comparaison des données acquises récemment dans le projet de recherche JASSUR1 permet de mettre en évidence un gradient d’anthropisation lié à l’usage des sols qui s’accompagne d’un gradient de teneurs en contaminants (Figure n° 1) et d’une progressive sur-fertilisation (Figure n° 2) depuis les forêts, vers les sols agricoles, jusqu’aux sols de jardins potagers urbains. Dans certains cas, l’historique du site et des anomalies géochimiques du sous-sol va entraîner une contamination accrue des sols.

Figure n° 1. Plomb et zinc totaux des terres de surface françaises, dont des terres de jardins associatifs (encadré vert) (n = 2 450) (d’après Joimel S., Cortet J., Jolivet C., Saby N., Branchu P., Chenot E-D., Consalès J.N., Lefort C., Morel J.L., Schwartz C., 2016. Physico-Chemical Characteristics of Topsoil for Contrasted Forest, Agricultural, Urban and Industrial Land Uses in France. Science of the Total Environment 545-546, 40-47)
Figure n° 1. Plomb et zinc totaux des terres de surface françaises, dont des terres de jardins associatifs (encadré vert) (n = 2 450) (d’après Joimel S., Cortet J., Jolivet C., Saby N., Branchu P., Chenot E-D., Consalès J.N., Lefort C., Morel J.L., Schwartz C., 2016. Physico-Chemical Characteristics of Topsoil for Contrasted Forest, Agricultural, Urban and Industrial Land Uses in France. Science of the Total Environment 545-546, 40-47)
Figure n° 2. Phosphore assimilable par les plantes des terres de surface françaises, dont des terres de jardins associatifs (encadré vert) ; (UITMAs sols urbains, industriels, miniers et militaires) (n = 2 450) (d’après Joimel S., Cortet J., Jolivet C., Saby N., Branchu P., Chenot E-D., Consalès J.N., Lefort C., Morel J.L., Schwartz C., 2016. Physico-Chemical Characteristics of Topsoil for Contrasted Forest, Agricultural, Urban and Industrial Land Uses in France. Science of the Total Environment 545-546, 40-47)
Figure n° 2. Phosphore assimilable par les plantes des terres de surface
françaises, dont des terres de jardins associatifs (encadré vert) ; (UITMAs sols urbains, industriels, miniers et militaires) (n = 2 450) (d’après Joimel S., Cortet J., Jolivet C., Saby N., Branchu P., Chenot E-D., Consalès J.N., Lefort C., Morel J.L., Schwartz C., 2016. Physico Chemical Characteristics of Topsoil for Contrasted Forest, Agricultural, Urban and Industrial Land Uses in France. Science of the Total Environment 545-546, 40-47)

 

Figure n° 3. Évolution de la teneur en plomb en mg/kg en fonction de l’éloignement à la voie (en mètres, classe de distance par 10 mètres) dans 29 jardins familiaux franciliens.

En milieu urbain, la qualité de l’air est marquée par la présence de différents polluants, en particulier à proximité immédiate des infrastructures routières, avec des concentrations pouvant dépasser les seuils réglementaires. Elles diminuent ensuite fortement dans les trente premiers mètres, par dispersion aérienne (Figure n° 3). Même si les concentrations en métaux dans les végétaux ne dépassent que très rarement les seuils réglementaires européens, l’implantation de sites de jardins à proximité immédiate de routes à trafic important est donc à éviter lors de l’aménagement de jardins urbains. Cette recommandation est fondée sur d’éventuels risques sanitaires liés à la consommation de végétaux contaminés par les retombées atmosphériques (voire à l’ingestion des particules de sols pollués par ces retombées) ou à l’exposition des jardiniers à ces polluants. Les processus de filtration et de rétention de la pollution particulaire par des barrières végétalisées pourraient être optimisés par une conception et un dimensionnement adaptés.

Usage de l’eau : écologie et santé publique

L’usage de l’eau dans les jardins collectifs est lié à son origine (réseau, collecte des eaux de précipitations) et aux pratiques des jardiniers. Si les apports d’eau de pluie sont quasi systématiques, ils semblent toutefois « anecdotiques » et ne permettent pas de compenser les fréquentes périodes de stress hydrique. L’usage de supports de culture (compost) autorise souvent la limitation des flux hydriques en favorisant la croissance des végétaux et leur transpiration. Contrairement aux surfaces souvent imperméabilisées du milieu urbain, les jardins permettent une limitation du ruissellement et une infiltration des eaux. Il apparaît donc que l’utilisation des sols pour l’agriculture urbaine permet de réguler les flux d’eau et que l’apport d’eau en plus de la pluviométrie ne remet pas en cause cette capacité.

1 JASSUR : Jardins associatifs urbains et villes durables : pratiques, fonctions et risques, ANR-12-VBDU-0011, Villes et Bâtiments Durables

POUR ALLER PLUS LOIN

Blanchart A., Séré G., Cherel J., Stas M., Consalès J.N., Warot G., Schwartz C., 2017. Contribution des sols à la production de services écosystémiques en milieu urbain – une revue, Environnement Urbain / Urban Environment, 11, http://eue.revues.org/1809

Chenot E.D., Douay F., Dumat C., Pernin C., Pourrut B., Schwartz C. coord., 2013. Jardins potagers : terres inconnues ? Les Ulis, FRA : EDP Sciences, 176 p.

Schwartz C. Les sols de jardins, supports d’une agriculture urbaine intensive, VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, Hors-série 15 | février 2013