Lyon, à la reconquête du végétal

Daniel Boulens

Depuis une dizaine d’années, la ville de Lyon s’est résolument tournée vers la création de parcs, squares, jardins et espaces verts en général. Le végétal prend une nouvelle dimension et part à la reconquête de territoires pour créer et façonner les nouveaux « réseaux urbains de la nature ». La ville de demain se construit sur celle d’hier…

La cité internationale - © Daniel Boulens

Lieu de tous les échanges et de tous les flux, une ville ne fonctionne pas en vase clos. Que ce soit dans son tissu économique ou dans la nature de ses infrastructures en matière d’habitat, de déplacements ou de services publics, la ville est en perpétuel mouvement, en évolution continue, s’inscrivant dans un métabolisme régional, national et international, dont chaque facette est interdépendante. Si 2000 ans d’histoire ont forgé la ville de Lyon et en ont fait une ville dont une large part du périmètre est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la belle cité se construit jour après jour pour assurer son développement économique et un cadre de vie plus harmonieux pour ses habitants. Élément à part entière du projet urbain, le végétal prend ici une nouvelle dimension, et sa manière de le gérer également.
 

Pour plus de nature dans la ville

Les ressources planétaires ne sont pas illimitées et chacune de nos actions a des conséquences sur notre environnement. En remodelant les villes pour qu’elles consomment moins d’espaces naturels, en y développant des réseaux de transports efficaces qui limiteront l’usage de la voiture individuelle, en y créant une mixité des habitats, des emplois et des services, les cités s’orienteront ainsi vers un indispensable équilibre avec leur milieu environnant. Mais au quotidien, ces orientationsconstituent un vrai paradoxe ! Le citadin français rêve plutôt d’habiter un pavillon avec jardin ! Alors comment concilier ces tendances opposées ?
Depuis une dizaine d’années, la ville de Lyon multiplie la création des parcs, squares, jardins et espaces verts en général. à tous les niveaux d’aménagement, le végétal doit trouver une place forte. Il entre directement en résonance avec chaque individu, tant par sa symbolique que par ses fonctions environnementales ou sociales. Du grand parc périurbain de Miribel Jonage, de ceux de la Tête d’Or et de Gerland, aux squares de proximité et les micro implantations florales que la ville de Lyon a développées, le végétal s’intègre dans le concept de « Ville - Nature ». Le végétal est donc à Lyon une réponse pertinente et équilibrée aux exigences du développement durable et à la demande sociale croissante pour les espaces verts urbains. Cette dynamique est pourtant complexe. La ville de demain se construit sur celle d’hier, son territoire n’étant pas extensible. Les 4 500 hectares de la commune sont tous urbanisés, et il n’y a plus de zones dites d’espaces naturels ou agricoles sur le territoire de la ville. L’aménagement urbain est donc réellement une reconquête de surfaces pour végétaliser les nouveaux espaces de la ville.
 

Transformer et adapter

Tout a commencé avec l’aménagement, en 2006, des espaces dédiés aux parkings situés sur la rive gauche du Rhône, une opération phare pour Lyon. Aujourd’hui, cet espace de 20 hectares, entièrement végétalisé et dédié aux modes de vie doux, accueille plus de 70 000 promeneurs en une seule journée ! Loin est le temps où cet espace n’était utilisé que pour ranger près de 1 500 voitures. La dynamique est lancée…
Aujourd’hui, ce sont les berges de la Saône qui font l’objet de réflexions de la part des architectes paysagistes. Début 2012 seront engagés les travaux de requalification des berges de la Saône, de la pointe du confluent Rhône - Saône à Lyon jusqu’à la commune de Neuville sur Saône, soit près de 25 kilomètres de rives. L’eau et le végétal s’associeront à l’art dans ce nouveau projet de la ville de Lyon.

La reconquête de l’espace urbain

Elle se traduit aussi par l’évolution des axes routiers majeurs, notamment à l’entrée Sud de Lyon, le Boulevard Mermoz, mais aussi à proximité du quartier de la Part-Dieu par la requalification du Boulevard Garibaldi. Ces nouveaux projets donneront une large place au végétal, mais aussi à l’eau, redéfinissant ainsi des espaces de vie beaucoup plus agréables. Dans certains quartiers en pleine mutation, comme celui de La Duchère, de Gerland ou encore de Mermoz, des paysagistes s’associent systématiquement à des projets pour que le végétal y soit le plus représenté. Ainsi, le futur parc Blandan, situé dans le 7e arrondissement de Lyon, occupera les 17 hectares d’anciens casernements militaires achetés à l’État. Les premiers travaux débuteront dès 2012. Le développement des réseaux de transports en commun, notamment le maillage des réseaux de tramways, constitue aussi un formidable atout pour améliorer le cadre de vie, tout en réduisant l’impact de la voiture en ville. D’importants travaux seront lancés en 2012 sur la ligne dite T4, qui reliera le quartier de Berthelot à la gare de la Part-Dieu. C’est un véritable fil vert qui accompagnera cette nouvelle ligne de tram et qui apportera un réel apport du végétal dans les quartiers traversés.


Le Parc de la Cerisaie, sur le plateau de la Croix Rousse, la nature en pleine ville. Une reconquête de l'espace public très marquante et largement plébliscitée par tous les Lyonnais - © Margerie Alavolée

A deux pas de la gare de Perrache, la Place Carnot, espace de verdure, important dans l'hypercentre. - © Margerie Alavolée De nouveaux jardins

La ville se développe dans une démarLa ville se développe dans une démarche qui vise à rendre le cadre de vie urbain le plus agréable possible. D’autres jardins viendront s’installer à l’emplacement d’une ancienne usine du 3e arrondissement, site que l’on appelle aujourd’hui « la friche RVI ». Là encore, ce jardin de plus de 8 000 m2 sera développé dans une zone déjà très urbanisée. Les surfaces d’espaces verts augmentent ainsi considérablement. Lors du mandat précédent, plus de 25 hectares de nouveaux espaces verts ont été créés. En 2014, en fin du mandat actuel, 25 hectares supplémentaires seront offerts aux Lyonnais. Se pose bien sûr la question de leur maintenance ! À Lyon, la direction des Espaces verts a pris résolument l’orientation d’un concept appelé la Gestion Evolutive Durable (GED), qui allie une gestion différenciée, le respect de l’environnement et de la biodiversité, et le développement durable. Le service a obtenu dès 2005 la certification iso 14001 pour son management environnemental, et les efforts se poursuivent pour que les impacts de l’entretien des espaces verts soient les moins négatifs pour l’environnement (suppression de produits phytosanitaires, économies d’eau, réduction du bruit, meilleure gestion des déchets, évolution des techniques d’entretien…). L’ensemble de ces résolutions permettra de trouver un subtil équilibre pour limiter nos impacts négatifs tout en offrant le meilleur niveau de qualité aux utilisateurs de ces espaces.

En 2006, la roseraie du Parc de la Tête d’Or a reçu le label « Les Jardins d’Excellence », classant cette roseraie parmi les 20 plus belle mondiales, preuve qu’une gestion respectueuse de l’environnement peut aussi se conjuguer avec esthétique et qualité. Ainsi se construit la ville de demain. Une volonté et un courage politique sont indispensables pour définir et tracer la voie d’un urbanisme équilibré. La ville dense et le végétal ne sont pas opposés. L’enjeu réside dans un bon équilibre qui tient compte de tous les apports positifs de la plante dans la Cité. Les responsables de services des espaces verts, les paysagistes et les urbanistes devront aussi faire preuve d’imagination et créer de nouvelles formes du végétal en ville à des coûts acceptables par tous.


Le béton fleuri…

Oreilles d’ours, coquelicots, roses trémières, tabac d’ornement s’offrent désormais au plaisir des yeux dans des microjardins qui « poussent » sur les trottoirs de la ville de Lyon. Et pourtant, on ne les attendait pas là ! Les fleurs osent défier le béton et la pierre, elles poussent dans les fissures, occupent les interstices et les espaces, parfois très étroits, des zones totalement minérales. La Direction des Espaces Verts, en partenariat avec le service Voirie Urbaine du Grand Lyon, a lancé cette démarche innovante : les Micro Implantations Florales (MIF). C’est ainsi que les petites plantes grandissent au pied des façades et sur les trottoirs et entourent des cabines téléphoniques du Ve arrondissement. Les matériaux inertes ont été remplacés par un mélange de gravillons et de terre végétale, puis ces petites fissures ont été ensemencées avec des fleurs vivaces, robustes et résistantes à la sécheresse. On y croise les mauves et les coquelicots, ou autres roses trémières qui égaient des artères qui ne se prêtaient pas à un fleurissement classique. Dans le IXe arrondissement, les habitants ont planté des fleurs autour des pieds d’arbres, mais aussi arrosé et soigné leurs plantations. La ville de Lyon décline le vert et le fleuri, sous toutes ses formes, toujours avec un profond respect du cadre de vie et de l’environnement.

 

Concilier la ville et la nature

Plante & Cité est le centre technique national d’études et d’expérimentations sur les espaces verts et le paysage reconnu par l’interprofession Val’Hor et par les ministères en charge de l’Agriculture (MAAPRAT) et de l’Écologie (MEDDTL). Initié en 2006 à Angers, dans le cadre de VEGEPOLYS, pôle de compétitivité du végétal, Plante & Cité s’est construit en partenariat avec les établissements de recherche, les services des espaces verts des collectivités et les entreprises de l’horticulture et du paysage. L’association compte aujourd’hui plus de 400 adhérents et développe la recherche et l’expertise pour apporter des réponses nouvelles, innovantes et alimenter les réflexions sur la place du végétal dans la ville de demain. S’il semble de plus en plus évident que le végétal et les espaces verts constituent des leviers d’actions pour une ville plus durable, les connaissances scientifiques et techniques nécessitent d’être enrichies. Aussi Plante & Cité coordonne et participe à plusieurs programmes d’études et d’expérimentations pour alimenter ces réflexions. Une synthèse bibliographique sur les bienfaits du végétal en ville sur la santé et le bien-être sera diffusée prochainement. D’autre part, Plante & Cité participe au programme de recherche VegDUD, financé par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) qui vise à étudier le rôle du végétal dans le développement urbain durable.
À ces réflexions s’ajoutent des questions sur le choix des végétaux adaptés à des contraintes urbaines ainsi qu’aux contraintes économiques et de gestion par les services des espaces verts et les entreprises. La diversification végétale pour les toitures ou les plateformes de tramway ou encore la création d’une base de données pour le choix de végétaux adaptés aux contraintes urbaines sont quelques exemples d’études menées. L’objectif de ces expérimentations est de pouvoir partager les résultats et de favoriser le transfert auprès des professionnels des collectivités, des entreprises du paysage et des bureaux d’études.
Le transfert des connaissances se fait à travers le site Internet www.plante-et-cite.fr ou encore par le biais des journées techniques (6 par an). Le centre technique diffuse chaque mois un bulletin de veille bibliographique sur les espaces verts et le paysage « Références Plante & Cité » et la lettre d’information de Plante & Cité. Ces outils permettent de favoriser la mise en oeuvre des connaissances sur le terrain.

 

3 thoughts on “Lyon, à la reconquête du végétal”

  1. bonjour et bravo pour toutes ces initiatives, et entre autres pour celle du « zéro phyto »…

    Je m’adresse à vous en priorité car je viens de découvrir quelque chose de très positif mis en place par la mairie de Paris et du coup, j’espère qu’il existe quelque chose d’équivalent à Lyon, ou que c’est pour bientôt!
    http://www.paris.fr/permisdevegetaliser
    eh oui!… bon, ensuite, est-ce qu’on peut vraiment faire grand’chose dans ce contexte? cela reste à voir… et rien n’empêche de faire encore «  »mieux » » à Lyon.
    C’est important et même vital de pouvoir vivre sa créativité,
    – et le faire dans le domaine de « tout ce qui pousse » est aujourd’hui une bouffée d’oxygène indispensable, qui nous remet en contact avec l’essentiel de la vie sur terre et même plus…
    – et vivre cela dans l’espace public pour favoriser le dialogue, faire boule de neige, remettre de la vie partout entre les gens etc…
    Donc, si vous voyez l’équivalent ou que vous cherchez des gens pour mettre ça en route concrètement, je suis partante!
    Merci pour votre attention et pour tout dialogue
    bien cordialement
    Hélène M.

    1. ah pardon, ce commentaire s’adressait en fait à l’auteur de l’article, M. Boulens…
      si vous pouvez lui faire suivre, ce serait très aimable à vous!
      remerciements et bonnes pensées à tous

  2. L’humusation -la sépulture dans un compost végétal- est-il pris en compte dans ce rapport à la nature, au végétal, à la Vie ?

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