Le GIS PIClég : construire des systèmes légumiers multi-performants
Yves Lespinasse
Les travaux du GIS PIClèg* portent sur la maîtrise des bioagresseurs aériens et telluriques, la gestion de la fertilisation et de l’eau, la génétique et l’innovation variétale ainsi que sur l’élaboration de nouveaux systèmes de culture plus économes en intrants.
Quelques résultats emblématiques du GIS ont été présentés au cours d’un colloque organisé le 14 septembre 2017 à Agrocampus Ouest Angers. Il a mis en perspective les évolutions des systèmes légumiers avec les attentes de la transformation, de la distribution et des consommateurs pour mieux aider les producteurs à relever les défis de demain.
Deux cent mille hectares de légumes concernés
Avec environ 200 000 ha, la filière légumes couvre 0,7 % de la SAU française. Les trois régions leader de cette production sont la Nouvelle-Aquitaine, les Hauts-de-France et la Bretagne avec des surfaces très voisines, autour de 40 000 ha chacune. Les régions PACA et Occitanie se distinguent par leurs cultures sous abris. Les jardins familiaux représentent environ 139 000 ha, soit un peu plus que les trois régions principales réunies ! Le nouveau catalogue des usages recense 77 espèces légumières.
Attirer et repousser les ravageurs
Parmi les deux thèmes de la session particulièrement intéressants, la stratégie « Push-Pull1 « est l’une des voies qui permet de trouver de nouvelles méthodes de contrôle des insectes ravageurs. Elle s’appuie sur le comportement de choix des plantes hôtes par les insectes phytophages, c’est-à-dire sur le rôle des médiateurs chimiques entre plantes et insectes :
« Push », repousser les insectes ravageurs de la plante-hôte – « Pull », attirer les insectes ravageurs vers une culture piège, généralement implantée en périphérie où ils pourront être contrôlés.
La mouche du chou, Delia radicum, est un ravageur majeur des cultures de brassicacées légumières de printemps dans l’ouest de la France. Elle peut entraîner la perte totale de la récolte de chou ou de brocoli car les larves se développent dans les racines.
Stratégie Push : l’un des composés volatils identifiés, le disulfure de diméthyle, est émis par les racines infestées.
Ce composé attire les coléoptères auxiliaires et diminue également la ponte de la mouche, mais malheureusement sans réduire l’infestation finale des choux. Un autre composé volatil, l’eucalyptol, donne de meilleurs et prometteurs résultats en diminuant non seulement la ponte mais également l’infestation.
Stratégie Pull : le chou chinois a été retenu comme plante piège. La diffusion d’un autre composé volatil stimule et augmente la ponte de la mouche du chou sur le chou chinois et contribue ainsi à l’effet plante piège. Sa disposition autour et à l’intérieur de la parcelle est à l’étude pour optimiser la captation de la mouche.
Cette stratégie Push-Pull doit être maintenant testée à plus grande échelle.
Limiter le développement des bioagresseurs
« Conception et évaluation avec les acteurs des systèmes de culture adaptés à leurs contraintes2 « est le deuxième thème que nous avons retenu. Il présente deux projets, conduits sur les systèmes maraîchers sous abris plastique en zone méditerranéenne.
Il s’agit de limiter le développement des bioagresseurs des cultures : prédation ou parasitisme de nuisibles par des auxiliaires indigènes, concurrence entre communautés biologiques limitant l’expansion de pathogènes dans le sol, introduction de plantes barrières ou pièges de bioagresseurs…
Seul le projet GeDuNem est résumé ci-dessous.
Un projet contre les nématodes
Le projet GeDuNem (Gestion Durable des Nématodes) a pour objectif de contrôler les bioagresseurs du sol (plus spécifiquement les nématodes à galles Meloidogyne ssp.3) avec des combinaisons et techniques adaptées à différents types d’exploitations.
Le projet combine la plantation de variétés résistantes aux nématodes à galles et des espèces non-hôtes avec des pratiques permettant de réduire les populations dans le sol (solarisation, engrais vert nématicide ou piège…). A l’issue de la première phase d’étude, six prototypes de systèmes de culture ont été formalisés. Chacun est destiné prioritairement à un type d’exploitation et, notamment, à un mode de commercialisation, puisque cela conditionne la période disponible pour l’introduction d’engrais verts assainissants. Puis des expérimentations ont été conduites chez trois producteurs et en station de recherche, sur une durée de quatre années.
Des pratiques remises en cause
Les six prototypes sont plus ou moins en rupture par rapport aux pratiques actuelles. Par exemple le prototype qui remplace le sorgho classiquement utilisé par les maraîchers en engrais vert par une variété nématicide de la même espèce, relève de la substitution : il est facile à mettre en oeuvre.
Par contre, le prototype qui utilise le piment résistant comme plante de service pour piéger les nématodes, relève d’une innovation radicale dans la succession des cultures. Plus dur à mettre en oeuvre, il est un prototype qui peut ré-ouvrir le champ des possibles.
Ce type d’approche permet :
- de proposer des systèmes de culture agroécologiques documentés, évalués et mis en débat, répondant à des enjeux de la filière ;
- d’approfondir les connaissances sur leur fonctionnement écologique ;
- ils sont aussi des moteurs d’interdisciplinarité entre chercheurs et ont permis de nourrir la réflexion des professionnels, tout en soulignant la mobilisation exceptionnelle des animateurs, nécessaire pour créer et développer ce type participatif de recherche-expérimentation.
1 Anne-Marie Cortesero et collaborateurs, UMR IGEPP, INRA,
Agrocampus Ouest, Université de Rennes1
2 Mireille Navarrete et collaborateurs, Unité Ecodéveloppement,
INRA – 84014 Avignon cedex 09
3 En 2014, le GIS PIClég a édité un guide pratique pour la co-conception de systèmes de culture légumiers économes en produits phytosanitaires. Ce guide, issu d’un travail collectif de 2 ans, associe tous les interlocuteurs de la filière Légumes : producteurs, conseillers, expérimentateurs, chercheurs, transformateurs.
Un système de culture est l’ensemble des modalités techniques mises en oeuvre sur des parcelles traitées de manière identique.