Jardiner pour la biodiversité
Vincent Albouy
Favoriser la nature permet d’obtenir un jardin plein de vie. C’est découvrir la floraison des plantes sauvages, apprécier le spectacle des oiseaux, admirer les riches couleurs des papillons, ou encore avoir l’heureuse surprise de croiser un hérisson ou un crapaud au coin d’une plate-bande…
Pas de ballet des oiseaux et des papillons, sans chenilles, nourriture des uns et larves des autres. Pas de hérissons, sans limaces et vers gris à manger, sans feuilles mortes pour le nid… La biodiversité ne se « divise » pas, chaque espèce a bien sa place et son importance au sein du jardin !
Depuis plus de 50 ans, la politique de protection de la nature qui s’est développée dans notre pays n’a concerné pratiquement que des espaces et des espèces remarquables qui ne représentent qu’un infi me pourcentage de la surface et de la biodiversité de la France. La nature ordinaire, « banale », a été la grande sacrifiée.
Une prise de conscience est apparue avec le Grenelle de l’environnement, dont le programme de « trame verte et bleue » est destiné à relier entre eux les espaces naturels remarquables par des corridors de nature ordinaire. Les 13 millions de jardins privés que compte notre pays peuvent s’inscrire dans cette trame, à condition d’entretenir un jardinage pour la nature et la biodiversité et non contre elles.
Un microcosme unique
Le jardinage pour la biodiversité ne peut pas se résumer à des recettes simples, valables en tout temps et en tout lieu. Chaque jardin est unique par son histoire, son emplacement, sa taille ou son aménagement, tout comme par les besoins, les désirs, les compétences et les capacités du jardinier. Quelques grands principes peuvent cependant guider utilement celles et ceux qui voudraient se lancer dans cette aventure passionnante. Aucun besoin de révolutionner le jardin pour attirer les oiseaux, les papillons, les hérissons et toute une riche vie végétale et animale. Il suffit d’économiser du temps de travail en le transformant en temps d’observation pour enclencher une dynamique favorable à la nature, de lever le pied sur les traitements chimiques, mais aussi sur la tonte, le broyage, le sarclage, la taille, le nettoyage des feuilles ou des tiges mortes. Bien sûr, c’est remettre en question tout ce que nous avons appris au fil des ans. Les techniques du jardin « propre » le transforment souvent en un jardin mort.
Il n’est pas nécessaire de convertir toute la surface du jardin en jardin naturel. Les espaces autour de la maison, décoratifs, productifs et destinés aux jeux, peuvent recevoir les soins habituels sans le recours systématique aux pesticides chimiques. Les espaces plus périphériques et moins fréquentés, comme la haie et la bande de pelouse qui la borde, peuvent être offerts à la nature.
Renoncez si possible à l’utilisation des pesticides chimiques. Préférez des moyens de lutte plus doux comme les extraits végétaux, voire la lutte biologique. Au besoin, sachez accepter une perte de récolte une année pour laisser le temps aux ennemis naturels d’un ravageur de lui régler son compte sans avoir à intervenir.
Laissez une place aux plantes sauvages. Traînant souvent l’étiquette infamante de « mauvaises herbes », la plupart de celles qui poussent spontanément au jardin peuvent avoir des utilisations médicinales ou culinaires, sont parfois très décoratives et attirent de nombreux insectes. Attention toutefois aux espèces envahissantes.
Variez les micro-milieux en installant une mare ou un bassin de jardin, une rocaille ou une zone sèche, en construisant un muret de pierres sèches pour soutenir un talus, en abandonnant un tas de fagots de bois à l’ombre de la haie, etc.
Résistez au syndrome du jardin « propre », et osez laisser la mousse se développer dans le gazon, les feuilles mortes pourrir au pied de la haie, les tiges mortes se décomposer peu à peu en hiver pour ne les retirer qu’au printemps. Ce sont autant d’abris et de sources de nourriture pour les animaux.
Choisissez rationnellement les espèces et les variétés cultivées que vous semez ou plantez. Elles doivent être adaptées au terrain et au climat, peu gourmandes en eau, naturellement résistantes ou tolérantes aux maladies les plus gênantes pour nécessiter le moins de soins possible.
Proposez des abris et des nichoirs aux oiseaux, aux insectes et aux autres locataires du jardin si les sites naturels manquent. Les plus utiles sont les nichoirs « boîte aux lettres » pour oiseaux cavernicoles, ainsi que les blocs de bois percés, les bottes de tiges creuses et de tiges à moelle pour les insectes.