Le sol : un génie trop souvent "piétiné"
Franck David
Comment se fait-il que le sol soit à ce jour, et dans notre civilisation, autant déconsidéré ? Représente-t-il le noir, l'inconnu, les ténèbres, l'enfer, la peur ? Est-il la conséquence d’une fameuse révolution agraire où l’agriculture productiviste sous couvert de nourrir le monde, se débarrassa de l'inopportun sol pour n'assouvir que les besoins de la plante à coup de technologies agronomiques ? Je vous laisse seuls juges.
Une chose est sûre, le sol est trop souvent relégué au rang des délaissés avec pour rôle d’être un support de culture dénaturé sans cesse à coup de labours, de pelages et de compactages accompagnés de produits toxiques. Et pourtant, sans sol vivant, ni plantes, ni animaux terrestres… plus d’humanité !
L’homme et la terre, une relation qui dure
Le sol est relié à l’homme tel le mot Humus qui prend ses racines dans l’Humanité. Aussi, nos ancêtres les Romains n’ont-ils pas dénommé notre planète Terre ? Est-ce un hasard ? Sans être passéistes, regardons nos anciens qui respectaient le sol, tant ils savaient que la vie y faisait sa niche. À l’instar de nos anciens, en tant qu’observateurs, regardons comment fonctionne une forêt. Celle-ci génère en permanence un sol souple, grumeleux, souvent humide et qui sent si bon cette odeur de champignons signe d’une bonne fertilité. En fait, l’amoncellement des matières qui ombent continuellement sur le sol – feuilles, brindilles, fientes d’oiseaux, bois, écorces…– lesquelles associées à une microbiologie minutieuse et organisée – collemboles, vers, bousiers, myriapodes, acariens, bactéries, nématodes, champignons, microflore… – suffisent à créer des cycles de la matière organique.
Une ressource renouvelable
Le sol est par nature une ressource renouvelable essentielle à la vie sur terre. On sacralise l’abeille en tant que pollinisatrice, on devrait déifier le ver de terre et ses acolytes du sol sans lesquels l’abeille ne pourrait exister. Ce petit monde vit dans des couches particulières du sol, selon qu’il a besoin d’air ou non. À chaque fois que l’on retourne la terre, ces couches sont inversées au détriment de cette vie. Moralité, plus on laboure, plus on stérilise les sols et plus on est obligé d’y adjoindre des engrais, fertilisants pour engraisser la terre mais aussi d’inonder les champs et jardins des produits phytosanitaires pour parer aux maladies des plantes induites par ce déséquilibre du sol. D’un cycle vertueux de la forêt, l’homme a inventé un cercle vicieux pour lui-même et la biodiversité. Aujourd'hui, seules les productions bio (et plus particulièrement la biodynamie et la permaculture), considèrent le sol comme un des maillons essentiels à la chaîne du vivant. Voici quelques règles d’or pour protéger le sol.
Ne plus « toucher » le sol
Évitez les bêchages, même droits, ainsi que les labours. Vous y gagnerez en maux de dos et votre sol vous le rendra. Si jamais votre sol est trop compact, aérez-le à l’aide d’une grelinette.
Paillez…
Ne jamais garder son sol nu. Les UV du soleil, le froid de l’hiver, sont autant de tueurs de nos amis qui grouillent au-dessous de vospieds. Pour cela, recouvrir d’un paillage organique en toute saison, avec tout ce qu’il vous tombe sous la main – feuilles mortes, pailles, tontes, herbes, carton, compost, broyats, lentilles d’eau… Une couche de cinq centimètres suffit sans être tassée. Celle-ci va en plus de réduire les arrosages, se décomposer pour nourrir le sol et favoriser la croissance de vos plantes. N’ayez pas peur de remettre en paillage vos mauvaises herbes juste arrachées à la même place pour qu’elles retournent à l’envoyeur les sels nutritifs qu’elles ont captés auparavant.
Le jardin en lasagnes
Il s’agit d’une technique très simple qui constitue un sol riche en très peu de temps et vous surprend par la production de vos légumes même les plus voraces. Il s’agit de jardiner sur un compost qui ne monte pas en température. Pour cela, mettez, à même le sol, du carton sur lequel vous pratiquez successivement des couches de matières vertes de 5 cm (tontes, herbes et feuilles fraîches…) et des couches de matières sèches (feuilles mortes,pailles, broyat…), sur une épaisseur de 10 cm. Et vous montez votre butte d’au moins 30 cm et au plus 50 cm. L’astuce est de bien tremper préalablement la matière sèche à l’aide de poubelles remplies d’eau. Vous pouvez finir avec du compost ou bien du terreau pas cher, juste pour faire propre et maintenir cette matière face à des coups de vents. Vous plantez directement en mélangeant légumes et fleurs. Le résultat est époustouflant tant au niveau de la nature du sol que de la biomasse générée.
Compostez
Pour réussir le compost et avoir le meilleur des amendements organiques, faites comme avec le lasagne mais dans un composteur. Par couche, impliquez la matière verte que vous couvrez systématiquement de la matière sèche préalablement trempée. Au-dessus de votre composteur, ajoutez un carton. Tassez légèrement avec un croc, retournez et répartissez bien la matière partout et notamment, dans les angles. Après un mois, retournez votre matière en sortant le compost en cours d’élaboration pour le remettre dans le composteur. Faites ce travail au moins deux à trois fois, tout en veillant régulièrement à ce qu’il ne soit pas trop sec (ajoutez de l’eau ou des matières vertes), ou trop humide (ajoutez de la matière sèche non trempée). Au bout de 5 mois, votre compost est prêt à être utilisé en paillage au pied de vos plantes.
Regardez le sol, sentez-le, touchezle,prenez soin de lui autant qu'il sait prendre soin de vos plantes et par ricochet de vous-même.
- Mon potager bio en ville, Eric Prédine et Franck David, Terre Vivante
- Le Génie du sol Vivant, Bernard Bertrand et Victor Renaud, Ed de Terran
- Le sol, la terre et les champs, pour retrouver une agriculture saine, Lydia et Claude Bourguignon, Ed Broché