16e concours national des jardins potagers : Des coulisses à la remise du prix
Jean-Marc Muller
07 décembre 2016, 10h50.
La tension monte, et même rodé à ce genre d’exercice, il y a toujours un petit moment de « trac ». Pourtant, tout est prêt et toute l’équipe est en ordre de marche. Les moindres détails sont réglés, le « timing » sera serré mais jouable. La foule se presse dans le grand auditorium, les conversations vont bon train, et tous les nominés sont impatients de découvrir le classement…
Un choix douloureux
Cette cérémonie est l’aboutissement d’un long processus pour les 12 membres du jury et pour l’ensemble de notre section potagers/fruitiers (> 1000 h de bénévolat).
L’aventure commence par la conception des outils de communication (tract, affiches, textes divers etc.) puis début janvier, la promotion du concours via tous les vecteurs de communication. Cette année 2016, nous avons reçu 40 candidatures. Ce nombre peut paraitre faible mais le dossier à remplir est plutôt sélectif. A réception, nous devons pouvoir nous faire une idée précise des qualités et des spécificités des concurrents. Des photos complètent obligatoirement le dossier. Les 12 membres du jury, divisés en 4 groupes de 3, vont analyser et noter chaque dossier. Cette première sélection permet d’extraire une quinzaine de candidats. Cette année aura marqué encore une évolution car quasiment tous les dossiers étaient de très bonne qualité. Douloureux choix qui nous amène à éliminer des candidats pourtant valeureux, mais les notes parlent et nous nous fixons une moyenne. Seuls les dossiers ayant dépassés cette moyenne seront visités pendant l’été par 2 membres du jury. Nous parcourons la France à la rencontre des jardins sélectionnés. La visite est sérieuse, détaillée, tout le potager et l’univers connexe sont passés en revue. Les questions de techniques culturales sont précises et nous apprécions les réponses claires. Le jury est composé de vrais jardiniers expert en potager, la sincérité et la spontanéité des jardiniers visités est indispensable.
Prix spécial tenu secret
Au mois d’octobre, nous faisons les choix définitifs. Au final, nous nominerons 20 personnes, ce qui est plutôt exceptionnel mais, encore une fois, le niveau 2016 était bien relevé. Le classement, depuis une simple nomination aux grands prix en passant par un prix spécial du jury, sera tenu secret jusqu’au jour « J ».
Il faut encore réaliser les diplômes, commander les médailles lancer les invitations, contacter les sponsors pour les traditionnels colis-cadeaux, sans oublier les courriers aux perdants avec nos encouragements pour l’avenir, préparer la cérémonie (discours, cocktail, visites de l’après-midi – cette année les serres du Sénat et le jardin des plantes).
07 décembre 11h01
J’ouvre la cérémonie : « Mesdames et Messieurs, j’ai le plaisir et l’honneur de déclarer ouverte la cérémonie de remise des prix du 16e Concours National Des Jardins Potagers ». Ce concours est le seul dans son genre en France. C’est un peu au monde du jardin ce que sont « les Molières » au monde du théâtre…Car nos jardiniers sont aussi des artistes et des poètes.
Un diaporama présente les jardins récompensés et chaque lauréat aura droit à un texte expliquant ce qui se dégage de son jardin, ce qui a séduit le jury et qui explique le classement. L’émotion est au rendez-vous, d’autant que le suspense est bien entretenu pour terminer par les grands prix. La tendance dominante de cette 16e édition est la passion qui anime chacun des candidats, leurs connaissances, l’excellent niveau de leurs techniques culturales, la curiosité qui se manifeste dans les vastes choix d’espèces et de variétés mais aussi, le désir de partager à la fois son jardin et ses connaissances ainsi que la volonté de transmettre.
Le potager est devenu un élément de fierté, il ne se cache plus au fond du jardin, mais s’exhibe, se fait visiter car il est souvent une œuvre d’art. Chaque printemps, le jardinier du potager se trouve devant sa parcelle comme un peintre devant la toile nue. Il va concevoir son potager pour l’année, car après l’hiver, tout ou presque recommence.
Des pratiques qui évoluent
– Des jardiniers de plus en plus respectueux
Nous constatons que, depuis une dizaine d’années, les participants à notre concours pratiquent un jardinage au minimum « raisonné » et, la plupart du temps, totalement exempt de produits chimiques de synthèse. La prise de conscience des risques sur la santé humaine, surtout à travers la culture des légumes pour sa famille et sur l’environnement, est évidente. Cette tendance se remarque chez tous les jardiniers, que ce soit dans les jardins collectifs, partagés ou individuels.
Deux autres phénomènes sont apparus en parallèle :
1) la gestion de l’eau : récupération, meilleurs usages, plus de précautions, etc.,
2) le compostage qui économise achats de fertilisants et transport d’ordures ménagères.
– Une grande diversification des variétés
Au niveau du potager, comme de la consommation, on remarque de très gros efforts de diversification des variétés. L’exemple le plus marquant est sans doute la tomate, qu’il n’est pas rare de voir déclinée en 10 ou 12 variétés différentes, même dans des jardins modestes. Beaucoup d’autres légumes sont cultivés avec plusieurs variétés : pomme de terre, courge, salades, haricots…. Les légumes anciens ou oubliés refont leur apparition : panais, tétragone, topinambour, rutabaga, crosnes, livèche…
L’approche des variétés type F1 ou « sélectionnée » est un peu moins diabolisée et l’utilisation de légumes plus résistants à certaines maladies ou plus performants est prise en compte. Le haricot est un bon exemple, évoluant vers des « filets sans fils » bons, productifs et résistants.
– La prise en compte de l’esthétique
L’esthétisme est une valeur propre à chacun en fonction de son approche du jardinage et de sa propre conception de la vie. Il est très intéressant d’observer un jardin et d’écouter son propriétaire ou tout au moins celui qui jardine. L’évolution va dans le sens où le jardinier se sent plus libre de faire selon sa conception et pas selon des règles. Nous avons donc de plus en plus de jardins très personnalisés. Dans cet esprit, la grande tendance est au mélange harmonieux entre fleurs ou décoration avec les légumes.
Notre concours, organisé conjointement par la SNHF, l’association Jardinot et le GNIS*, est un véritable observatoire. Il fait partie des moteurs permettant ou plutôt vulgarisant ces évolutions, en les mettant à la portée de tous avec l’appui des médias spécialisés.
– « Félicitation pour cette cérémonie réussie, avec un timing aux petits oignons et des présentations des lauréats vivantes et chaleureuses. »
– « Un grand merci pour avoir distingué notre potager. Cette récompense nous aide à persévérer dans cette difficile aventure. »
– « Vous nous avez mis sur un nuage depuis trois jours. Le Grand Prix……quelle reconnaissance !!!!! Je voudrai encore vous remercier de cette magnifique récompense. »
* Retrouvez le palmarès 2016 complet sur les sites de ces trois associations :
– https://www.snhf.org/tag/concours-national-des-jardins-potagers
– http://www.semencemag.fr/concours-national-jardins-potagers.html